De nombreux délégués, l’an dernier, à Cancún, n’ont pas noté l’éléphant qui se venait se glisser dans les salles de réunion et les couloirs. Aujourd’hui, cet éléphant est arrivé à la COP17 – et il est encore plus gros.
La semaine dernière, le PNUE a publié une version mise à jour du rapport sur le fossé entre les niveaux d’engagements actuels et les objectifs nécessaires de réduction des émissions - “The Emission Gap report”. Encore une fois, le PNUE conclut que d’ici 2020, les émissions mondiales doivent être réduites de 44 Gt si l’on veut rester sur une trajectoire crédible pour ne pas dépasser les 1,5°C, ou même les 2°C.
Premièrement, la mauvaise nouvelle : le PNUE estime que le fossé entre ce qui est nécessaire et ce qui est mis sur la table est encore plus grand que l’an passé. Même si tous les pays atteignent le plus haut de leurs engagements, et que tous les échappatoires sont éliminés, le fossé sera de 6 Gt en 2020 – soit autant que les émissions des Etats-Unis.
Dans le monde réel, il est plus probable que ce fossé soit de 11 Gt environ. Les pays développés restent bloqués sur des engagements faibles, conditionnels, et affaiblis par de nombreux échappatoires. De fait, selon le PNUE, les engagements actuels combinés aux règles laxistes de comptabilisation les émissions des pays développés seront à peine moindres que celles du scénario «laissez-faire».
Mais le rapport donne aussi une bonne nouvelle. Le PNUE indique qu’avec une action forte dès aujourd’hui, il est possible de faire encore plus que combler le fossé, sans innovation technologique majeure ni coût prohibitif. Comment ?
En développant largement l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. En mettant un coup d’arrêt à la déforestation. En améliorant les politiques de gestion et de traitement des déchets et les pratiques agricoles.
Et en agissant sur les secteurs actuellement non régulés du transport international maritime et aérien.
Afin de rendre possibles ces solutions pratiques, il est nécessaire de rehausser les niveaux d’ambition. Tous les pays peuvent et doivent faire plus. Mais, ce sont en premier lieu les pays développés qui doivent le faire.
Les Accords de Cancun reconnaissent que les objectifs des pays développés doivent se situer entre entre -25% et -40% par rapport à 1990. Pour ECO, l’ambition doit aller au-delà de -40% si l’on veut vraiment respecter le 2°C – sans même parler du 1,5°C, indispensable pour la survie des petits états insulaires.
Dans un monde rationnel, à Durban, les pays écouteraient les barrissement de l’éléphant et rehausseraient, ici et maintenant, leurs objectifs de réduction. ECO garde donc espoir.
Utilisation des terres, changement d’affectation des sols et foresterie. Le PNUE indique que les règles de LULUCF actuelles pourraient contribuer à hauteur de 0,6 Gt au gigatonnes gap. Ces règles permettraient aux pays développés d’augmenter leurs émissions liées à la foresterie tout en réclamant des crédits. Les parties doivent changer ces règles et se concentrer sur des options de comptabilité intègres environnementalement.
Surplus de quotas. L’utilisation des surplus de quotas issus de la première période d’engagement pourrait se traduire par une augmentation de 2,9 Gt du niveau global des émissions d’ici 2020, selon le PNUE. Il est essentiel d’élaborer des règles robustes pour prévenir ou minimiser le report de ces surplus.
Le double comptage des émissions évitées. aux côtés des objectifs des pays développés et des engagements des pays en développement pourrait, combiné aux émissions faussement évitées, augmenter le fossé de 2 Gt. Les gouvernements peuvent et doivent exclure cette possibilité une fois pour toutes.
Ici, à Durban, les gouvernements doivent s’accorder sur un processus robuste pour reconnaître formellement, quantifier et combler le gigatonne gap.
Ils doivent également s’accorder pour inclure dans la Vision Partagée l’année 2015 comme année de pic des émissions. Enfin, ils doivent se mettre d’accord sur une deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto, en parallèle d’un mandat pour conclure un accord global et légalement contraignant au plus tard en 2015, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2018. Ce pas de temps permettrait de ne pas exclure la possibilité d’atteindre le pic des émissions dans les temps.
Les délégués devraient prêter oreille aux sages proverbes africains. “Un homme qui se fait piétiner à mort par éléphant est un homme aveugle et sourd.” Ou bien, de manière plus positive : “ Quand un éléphant devient aussi petit qu’un singe, il cesse d’être un éléphant.”
Pour en savoir plus sur le rapport du PNUE “Bridging the Emissions Gap”, rendez-vous au side-event du PNUE jeudi 1er Décembre au Pavillon Africain.
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