jeudi 6 décembre 2012

Ministres, Vous n’êtes pas couché(e)s !

Chers ministres, pendant que vous vous lamentez, durant de larmoyants discours prononcés sous les feux de la rampe climatique, en promettant de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour stopper le réchauffement, vos négociateurs creusent plus profond que jamais dans les coulisses du centre national des congrès du Qatar.
L’accord de Doha est pourtant toujours à notre portée. Un tel texte nous donnerait l’ambition à court terme dont nous avons un urgent besoin. Et votre ambition politique a besoin d’être adossée par des objectifs et des engagements nettement plus ambitieux que ceux qui sont actuellement sur la table.
À ce propos, parlons des engagements. Qu’est devenue l’ambition des pays du Golfe arabo-persique de devenir les leaders de la cause du climat ? Quel obscure raison les a fait renoncer à pareille ambition : peut-être la panique qui régnait, hier, devant les comptoirs de Qatar Airways ?
Sérieusement, beaucoup de travail doit encore être accompli avant que nous ne comblions le fossé climatique séparant les promesses des actions que les climatologues nous enjoignent de mener.
Cela doit commencer immédiatement par la mise en oeuvre d’un ambitieux mécanisme « à cliquet » (dans le cadre du protocole) et d’un programme de travail bien encadré (dans le cadre du groupe de travail spécial de la plateforme de Durban pour une action renforcée).
Cela nous permet d’évoquer les discussions qui ont le moins progressé : celles menées au sein du groupe de travail spécial de l’action concertée à long terme au titre de la Convention. Avec pas moins de 53 questions toujours en suspens, cela ressemble à une vraie salle de jeu après un goûter d’anniversaire. Est-ce cela le processus de négociation des parties ?
Y-a-t-il un cocher dans la carriole de la discussion ou simplement quelqu’un pour prendre les rênes ? Certainement qu’avec un peu de bonne volonté, d’esprit de compromis et d’un peu d’huile pour lubrifier les mécanismes des gros problèmes, un accord pourrait être conclu par les ministres. Les questions en suspens peuvent trouver une résolution adaptée avant le coucher du soleil ici à Doha.
Maintenant, plus de délais ni de retard, vous devez adopter d’audacieux amendements au protocole de Kyoto. Des amendements qui en renforcent son intégrité environnementale, notamment an diminuant l’air chaud. Et honte à ceux qui préfèrent un climat plus à un protocole de Kyoto.
Il y a des signes qui montrent que des progrès ont été accomplis sur la voie d’un accord international qui pourrait être signé à Paris en 2015. Nous devons mettre à profit les erreurs du passé (à Copenhague, par exemple).
Le programme de travail doit mentionner engagements et délais. Nous recommandons, chaudement, que le texte devant servir de base de discussion avant la négociation finale soit adopté avant la fin de l’année prochaine et que le texte de ladite négociation finale soit bouclé lors de la COP 20, au grand plus tard.
Mais, l’essentiel de l’accord à conclure à Doha n’est pas là. Celui que vous devez rédiger dans les heures qui viennent doit poser les jalons de l’accord global et équitable qui devra être signé en 2015. Ce qui implique de nous mettre d’accord sur la signification et le contenu de cette équité. Et si les Etats-Unis peuvent nous en donner une définition, nous tous pouvons le faire aussi. À condition d’aller vite afin que les négociations débutent réellement dès 2013.
Les annonces sur les financements se font attendre de la part des pays qui sont restés muets (vous vous reconnaissez ? Tout le monde vous reconnaît !). Mais pour instaurer la confiance avec les pays en développement que l’engagement de 100 milliards de dollars par an sera tenu d’ici 2020, le LCA doit se clore avec un engagement collectif que les financements publics vont augmenter au delà des niveau des financements précoces en 2013, et représenteront au moins la somme de 60 milliards de dollars de financement public et additionnel d’ici 2015.
Tout autre décision laisserait les communautés les plus pauvres sans aucune assurance qu’ils seront soutenus pour faire face aux impacts du changement climatique.
En regardant dans le rétroviseur en 2015, les négociations climat de Doha ne devront pas apparaître comme un énième accord de compromis - un petit pas en avant lorsque le changement radical était nécessaire.
L’accord de Doha se doit de préparer le terrain pour les plus vulnérables, les victimes du changement climatique dont nous voyons les visages sur Al Jazeera, et dont les communautés et les cultures sont lourdement frappées de pertes et dommages en ce moment même. Vous devez accepter aujourd’hui de mettre en place et piloter un mécanisme international sur les Pertes et Dommages.
Doha pourrait être le symbole de la volonté de coopération retrouvée. Vous savez le faire :
rappelez-vous le sauvetage du secteur bancaire en 2009.
La crise planétaire qui nous guette, éclipse celle crise des finances. Ministres, délégués aujourd’hui nous sommes entre vos mains.
Vous jouez pour la planète entière.

La bonne voie dominicaine

A vrai dire, les derniers jours n’ont pas réservé beaucoup de progrès, et encore moins d’Ambition. Mais un petit quelque chose nous fait penser qu’il y a de l’espoir et de la bonne volonté quelque part.
ECO aurait entendu dire que les pays en développement seraient sur le point de mettre des engagements sur la table.  Hier, au segment de Haut Niveau, la République dominicaine a promis une réduction inconditionnelle de ses émissions de 25% en 2030 par rapport aux niveaux de 2010, à accomplir avec les fonds nationaux ainsi que la solidarité de la communauté internationale. Il s’agit d’une loi nationale donc elle s’impose au gouvernement. ECO félicite la République Dominicaine pour prendre de sérieuses mesures sur le changement climatique et rappelle que de nombreux autres pays font aussi leur travail. C’est le genre d’attitude dont nous avons besoin à ces négociations pour faire avancer les choses.

Côté "sous"...

Les causes et effets de la tempête climatique mondiale sont globalisées. Les effets des gaz à effet de serre ne se limitent pas à des « points chauds » localisés. Ils n’ont pas de frontières, et sont plus brutaux dans les zones où les émissions sont faibles.
Nous avons besoin de faire converger notre morale et les valeurs éthiques pour nous attaquer à ce vaste problème. L’organisation de jeunes SustainUS a mené une expérience sociale hier jeudi au centre de conférence de Doha pour tester cette prémisse.
Les représentants des jeunes ont demandé aux personnes entrant dans le centre de conférence à quoi ils consacreraient leur argent, comme ça, s’ils devaient être les seuls à en décider : le Fonds Vert pour le Climat, les financements précoces, les financements post-2012, les dépenses militaires ou les subventions aux énergies fossiles.
Chaque interrogé a reçu de l’argent fictif au début des tapis roulants menant au centre de conférence, et devait décider de où son argent serait le mieux dépensé. A la fin de l’expérience, le Fonds Vert était le grand gagnant. Le calcul de bon sens fait sur les tapis roulants était un choix de supporter ceux qui sont en plus mauvaise posture.
Les 1,2 milliards de personnes qui vivent avec moins de 1 dollar par jour méritent plus de profiter de 100 dollars que quelqu’un vivant avec 100 000 millions de dollars par an. Ce rapide calcul semblait assez automatique dans les esprits des participants mis face à un choix clairement formulé.

Pourtant, selon un rapport du Conseil de défense des ressources naturelles, les subventions aux énergies fossiles en 2012 étaient approximativement de 775 milliards de dollars au niveau mondial…
Et pendant ce temps, le Fonds Vert, lui, stagne à 0 dollar, les financements précoces se situent toujours bien en dessous des 30 milliards (même en occultant le double-comptage de l’aide au développement), aucune feuille de route n’est établie pour les financements de moyen terme entre maintenant et 2020, et aucun engagement n’est pris pour commencer à mobiliser des sommes pour le Fonds Vert alors que Doha touche à sa fin.

Tableau récapitulatif des financements


Pays
Engagements
Détails
Royaume Uni
$2.9 milliards
1,8 milliards £ pour les 2 prochaines années (contre 1,5 milliards £ sur les 3 années précédentes) avec 50% dédiés à l’adaptation.
Allemagne
$2.3 milliards
1,8 milliard € pour 2013 (contre 1.4 milliard en 2012), dont une partie des recettes de l’ETS.
Danemark

$88 million (approx)
500 millions de couronnes danoises en 2013 (l’équivalent du volume en 2012) dont 20% pour le Fonds Vert

Suède

$400 million (approx)
0,5 milliards de couronnes suédoises en 2013 (contre 1 milliard de SEK in 2012) et 2 milliards d’APD-climat.
Finlande
$37 million (approx)
37 millions € (contre 92 million € entre 2010 et 2012) au-delà des financements comptabilisés sous les marqueurs de Rio, et 500 000 € pour le Fonds Vert.
Norvège
US$855 million (approx)
3.1 milliards de couronnes norvégiennes en 2013 : 500 millions US$ sur REDD+ et 355 million US$ sur l’énergie.

France

$2.6 milliards
2 milliards € de l’AFD pour l’efficacité énergétique et les ENR en 2013

Fossile du Jour

Première place : UE
L’UE reçoit un Fossile [entre crochets] car nous avons encore espoir qu’elle cesse d’être intimidée par la Pologne et se prononce pour l’annulation totale de tout l’air chaud à la fin de la 2ème période d’engagement du PK.
Avant Durban, l’Europe disait pouvoir s’engager dans une deuxième période d’engagement, à condition qu’il y ait une feuille de route où les grands émetteurs s’engagent dans un cadre plus large et où les règles du PK sont améliorées pour assurer l’intégrité environnementale, faisant allusion spécifiquement à l’excédent des UQA. Mais l’Europe continue de tergiverser. Nous avons besoin d’une position européenne forte en ce moment. Si l’UE ne parvient pas à adopter une position raisonnable et commune sur le surplus, elle ne pourra pas être considéré comme sérieuse dans les discussions à venir sur l’ADP.

Seconde place:  La Pologne pour sa position fossilisée sur la question de l’air chaud. Elle s’obstine sur l’utilisation des reports de quotas dans la deuxième période d’engagement du PK, tout en s’opposant avec véhémence à l’annulation de l’air chaud à la fin de cette période. Le Ministre de l’Environnement  a même eu l’audace de déclarer dans une interview que la Pologne veut garder son air chaud parce qu’elle pense être en mesure de l’utiliser dans un nouvel accord post-2020. Remarque à l’intention de la délégation polonaise: défendre votre propre intérêt n’aide pas à instaurer la confiance en vue de votre Présidence de la prochaine COP !

La troisième place du Fossile va à la présidence de la COP18 (Qatar) pour son manque de leadership à pousser les Ministres lors de tables rondes pour l’ambition de l’ADP. En tant qu’hôtes de cette Conférence, on attend de la Présidence de faciliter les discussions et de rappeler l’urgence dans les pourparlers vers un accord ambitieux et juridiquement contraignant.

mercredi 5 décembre 2012

Fossile du jour


La première place du Fossile revient aux Etats-Unis
. Les populations les plus pauvres et les plus vulnérables, et les écosystèmes fragiles sont déjà frappés par les impacts dévastateurs du changement climatique. Ce sont eux les première victime alors qu’ils en sont moins responsables. A cause de l’inaction actuelle et passée des pays développés, nous vivons la plus violente injustice de notre temps. Une faible ambition de réduction et un faible soutien pour l’adaptation implique de lourdes pertes et dommages dans les pays en développement.
Etablir un Mécanisme International des Pertes et Dommages ici à Doha est vital pour s’assurer qu’une réponse est apportée aux impacts du changement climatique. Cependant, les Etats-Unis, soutenus par l’Australie et le Canada, sabordent la question en poussant pour que la question des pertes et dommages soit traitée sous le programme de travail de Nairobi et par le comité d’adaptation.
Ici à Doha, toutes les Parties – y compris les Etats-Unis – doivent apporter leur soutien à la proposition du G77, de la Chine, des OASIS, du groupe Afrique et des PMA pour établir un Mécanisme international des Pertes et Dommages et continuer le travail.

La seconde place du Fossile va au Japon pour son inaction. Le Japon a renoncé à son engagement de réduction de 25% d’ici 2020 (par rapport à 1990) lors des discours des Ministres. En fait, le Ministre n’a précisé aucun objectif. Aucun engagement.
Le Japon a complètement ignoré la discussion clé ici à Doha, qui est : comment hausser l’ambition pour garder le réchauffement sous les 2°C ? Pas d’urgence.
De plus, le Japon n’a fait aucune promesse de financements climat depuis des années, alors qu’ils sont cruciaux.  Pas d’argent.
Aucun engagement, pas d’urgence, pas d’argent. Le Japon ne vole pas sa seconde place du Fossile pour tirer vers le bas ces négociations et n’avoir que « Non, non, non »
à la bouche.

Financements : « Continuation » ou engagement ?

Compte tenu de l’accroissement des impacts du changement climatique, il est temps pour les pays développés d’augmenter la finance climat plutôt que de s’en détourner. Sécheresses, tempêtes et vagues de chaleur : toutes demandent une action climatique – et l’action requiert des financements. Les pays en développement ne peuvent survivre sans action.
Pourtant, plusieurs pays développés semblent peiner à s’engager. Et ils se cachent maintenant derrière des mots ambigus. Quand vous appliquez le mot « continuation » à la finance climat, cela peut paraître satisfaisant au premier abord ; mais en y regardant de plus près, vous réalisez que
« continuation » ne dit pas à quelle hauteur vous devez continuer : $10?  $25?  $1,000?
Quelques pays européens ont promis des financements pour la période à venir, mais où sont les autres pays développés – comme les Etats-Unis, le Japon, le Canada ou l’Australie? Il serait approprié que ces pays,  et d’autres, joignent cet engagement financier. C’est pourquoi il est insuffisant de se reposer simplement sur quelques pays, nous avons besoin que tout le monde s’engage conjointement dans une décision à Doha.
Si vous quittez Doha sans cette décision commune, l’engagement d’atteindre 100 milliards de $ par an d’ici 2020 risque de devenir un rêve inatteignable, mettant en péril le succès de l’ADP ainsi la survie des plus pauvres et vulnérables dans le monde.