Garantir le droit à l’alimentation dans un monde de contraintes climatiques ? Face à ce défi, le lancement d’un nouveau programme de travail sur l’agriculture, en débat depuis Durban, pourrait ouvrir la porte à plusieurs
« fausses solutions » :
→ La « climate-smart agriculture » : ce concept, qui mise prioritairement sur l’augmentation « durable » des rendements, néglige l’impact différencié des agricultures industrielles et familiales sur la sécurité alimentaire locale et l’environnement. Or il est crucial de rappeler que «les systèmes de production diversifiés, à petite échelle, des pays en développement offrent les meilleures perspectives d’amélioration des moyens de subsistance » ; Alors que l’agriculture industrielle à grande échelle, avec un fort apport d’intrants externes, génère d’importants niveaux d’émissions de GES.
→ L’intégration de l’agriculture aux marchés carbone, portée par certains comme solution pour garantir l’atténuation de l’agriculture tout en mobilisant des ressources financières pour l’adaptation, est discutable tout d’abord d’un point de vue environnemental. En effet, il est très difficile de mesurer le carbone contenu dans les sols agricoles, et il est impossible de garantir que le carbone y soit stocké durablement. De plus, les grandes exploitations agricoles seront les plus susceptibles d’attirer les investissements du fait de la complexité et des coûts de développement des projets de compensation carbone.
Ce type de projets ne bénéficiera en aucun cas à agriculture familiale, pourtant la plus vulnérable face aux changements climatiques. Enfin, cette solution risque d’encourager l’accaparement des terres via l’expansion de l’agriculture à grande échelle et la privatisation d’espaces naturels.
Face aux crises alimentaire et climatique, il faut se concentrer sur les besoins d’adaptation et de sécurisation des petits producteurs. Le potentiel de l’agro-écologie doit également être valorisé.
A cet égard, il est essentiel de faire le lien avec les travaux du Comité sur la Sécurité Alimentaire Mondiale d’octobre 2012 sur « sécurité alimentaire et changement climatique ».
Il convient également de clarifier l’objectif et la valeur ajoutée d’un nouveau programme de travail sur l’agriculture dans le cadre de la CCNUCC (par exemple, par rapport au programme de travail de Nairobi qui aborde la question de l’agriculture sous l’angle adaptation), et de se montrer le cas échéant vigilants sur ses orientations. S’il faut privilégier une approche intégrée des enjeux d’adaptation et d’atténuation, celle-ci doit nécessairement être différenciée selon les modèles de production agricole, leur vulnérabilité et leur responsabilité en termes d’émissions (agriculture industrielle/agricultures familiales).
Sarah Fayolle (CCFD-Terre Solidaire)
et Emilie Johann (CIDSE)
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