Imaginons que vous êtes un gouvernement d’Amérique du Nord fan de sables bitumeux, avec un léger problème de dépendance carbone.
Vous avez besoin d’une issue de secours pour échapper à la contrainte de la lutte contre le changement climatique. Vous avez également remarqué que votre voisin immédiatement au Sud est encore loin d’un vote par son Congrès d’une loi sur les échanges de quotas carbone. Pour le Premier Ministre du Canada, Stephen Harper, la solution est simple : annoncez qu’il vous est impossible d’avancer dans la direction de la lutte contre le changement climatique tant que les Etats-Unis n’auront pas fait le premier pas. Comme on dit au Canada : problème résolu, hein ? Pas tout à fait !
En réalité, l’Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis va réglementer les émissions de gaz à effet de serre des nouvelles installations industrielles dès 2011. Par conséquent, la volonté de Harper de délocaliser sa politique climatique aux Etats-Unis engage donc le Canada à faire comme son voisin. C’est une mauvaise nouvelle pour les sables bitumeux (les dépôts contenant du pétrole au centre du pays), dont les visées d’expansion à large échelle sont incompatibles avec le tracas d’une limitation de leurs émissions. C’est alors qu’entre en scène John Baird, le tout nouveau (enfin, pas si nouveau que cela) ministre de l’environnement canadien (les observateurs vétérans se souviennent de lui quand il était le dernier ministre à Bali à s’opposer aux recommandations de la science de réduire les émissions de 25 à -45 % en 2020, par rapport à 1990). Confronté à la nécessité de s’aligner avec les actions de son voisin, Baird a bien choisi ses mots : la proposition des Etats-Unis est « quelque chose » d’ « incomplet » et de « très, très préliminaire », qui « couvre un pourcentage limité, tout petit, des nouvelles installations industrielles ».
Oui, même en comparaison avec la proposition canadienne, elle très complète, de ne rien faire du tout, pour un pourcentage nul de nouvelles industries. Et ce n’est pas la première fois que la politique canadienne – harmonisée à 100%, tant que les Etats-Unis ne font rien – a révélé un visage mauvais. Les emails échangés en interne au sein du Département des Affaires Etrangères, publiés hier, montrent les efforts significatifs des diplomates canadiens pour « tuer » une politique des Etats-Unis de 2007 favorisant les carburants propres. Ces diplomates se sont alliés dans la bataille à des entreprises telles qu’Exxon et consorts pour « laisser le pétrole couler », selon leur expression lyrique. Et lorsqu’une responsable d’Environnement Canada souligne que réduire les émissions des sables bitumeux est une bonne chose, son commentaire est catalogué d’emblée de « complètement dingue ».
Est-ce une coïncidence que cette anecdote lamentable ait eu lieu la dernière fois que John Baird était ministre de l’environnement ?
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